Psychologie



Il dit non, non et non !

Vous avez freiné par des « Non ! » répétés ses velléités dévastatrices d’exploration de la maison ? Depuis qu’il a dix-huit mois, votre petit marcheur vous rend la pareille à longueur de journée, à coups de « Non ! » ou de « Pas ! » …

Tous les bébés — ou presque — passent par cette étape, qualifiée de « phase d’opposition » par les professionnels de la petite enfance. Egalement nommée « période du non », elle devrait durer jusqu’à ses trois ans

Bérengère Beauquier-Macotta, pédopsychiatre nous explique l’importance de cette phase dans la construction psychique de l’enfant ainsi que la façon, pour les parents, de bien la gérer.

Infobebes.com : Pourquoi les enfants commencent-ils, vers un an et demi, à dire « non » à tout ?

Bérengère Beauquier-Macotta :
La « phase du non » signe trois changements liés entre eux et tous très importants dans le développement psychique de l’enfant. Premièrement, il se perçoit désormais comme un individu à part entière, avec sa pensée propre, et entend le faire savoir. Le « non » lui sert à exprimer ses désirs. Deuxièmement, il a compris que sa volonté était souvent différente de celle de ses parents. L’utilisation du « non » lui permet, peu à peu, de commencer un processus d’autonomisation face à ses parents. Troisièmement, l’enfant souhaite savoir jusqu’où va cette autonomie nouvelle. Il « teste » donc sans cesse ses parents pour en expérimenter les limites.


  • Infobebes.com : Pourquoi les enfants commencent-ils, vers un an et demi, à dire « non » à tout ?

    Bérengère Beauquier-Macotta :
    La « phase du non » signe trois changements liés entre eux et tous très importants dans le développement psychique de l’enfant. Premièrement, il se perçoit désormais comme un individu à part entière, avec sa pensée propre, et entend le faire savoir. Le « non » lui sert à exprimer ses désirs. Deuxièmement, il a compris que sa volonté était souvent différente de celle de ses parents. L’utilisation du « non » lui permet, peu à peu, de commencer un processus d’autonomisation face à ses parents. Troisièmement, l’enfant souhaite savoir jusqu’où va cette autonomie nouvelle. Il « teste » donc sans cesse ses parents pour en expérimenter les limites.


  • Ibb : Les enfants ne s’opposent-ils qu’à leurs parents ?

    B.B.-M : D’une manière générale, oui… Et c’est normal : ils perçoivent leurs parents comme la source d’autorité principale. À la crèche ou chez les grands-parents, les contraintes ne sont pas tout à fait les mêmes… Ils assimilent très vite la différence


Il s'oppose : le début des conflits !


« L’intensité de l’opposition dépend de la façon dont les parents gèrent la crise. »

  • Ibb : Les conflits parents-enfants prennent parfois une dimension déraisonnable…

    B.B.-M : L’intensité de l’opposition dépend du caractère de l’enfant, mais aussi, et peut-être surtout, de la façon dont les parents gèrent la crise

    Exprimées de manière cohérente, les limites sont rassurantes pour l’enfant. Pour un sujet de « conflit » donné, il doit se voir systématiquement opposer la même réponse, que ce soit en présence du père, de la mère ou des deux parents. Prenons, par exemple, un enfant qui refuse de prendre son bain. Si le père reste ferme mais que la mère cède ou si la réponse varie en fonction de l’état de fatigue des parents, l’enfant ne comprendra pas que prendre son bain est une obligation. Il en est de même si les parents se laissent envahir par leur propre colère et ne prennent pas des sanctions proportionnelles à la situation. L’enfant risque alors de s’enfermer dans son opposition

    Si les limites fixées sont floues et fluctuantes, elles perdent le côté rassurant qu’elles doivent avoir.


  • Ibb : Mais parfois, lorsque les parents sont fatigués ou débordés, ils finissent par céder…

    B.B.-M : Les parents sont souvent démunis car ils n’osent pas frustrer l’enfant. Cela met celui-ci dans un état d’excitation qu’il n’arrive plus à contrôler. Pourtant, je le redis, définir des limites est rassurant pour l’enfant…

    Il est cependant possible, dans certains cas, de faire certaines concessions. Il faut, à cet égard, distinguer deux types de limites. Sur les interdits absolus, dans les situations présentant un réel danger ou bien lorsque sont en jeu les principes éducatifs auxquels vous attachez une grande importance (ne pas dormir avec papa et maman par exemple), il convient d’être particulièrement clair et de ne jamais céder. Quand il s’agit, en revanche, de règles « secondaires », qui diffèrent selon les familles (comme l’heure du coucher), il est certainement possible de transiger. Elles peuvent être adaptées au caractère de l’enfant, au contexte, etc. : « D’accord, tu ne vas pas te coucher tout de suite. Tu peux exceptionnellement regarder la télévision un peu plus tard car tu n’as pas école demain. Mais je ne lirai pas d’histoire ce soir.


Comment retrouver le calme ?


« Faire croire à l'enfant qu’on lui cède alors qu’on ne lui cède pas serait totalement contre-productif. »

  • Ibb : Les parents n’en demandent-ils pas trop à leurs enfants ?

    B.B.-M : Les exigences des parents doivent, bien évidemment, être adaptées aux capacités de l’enfant. Sinon, il ne s'y pliera pas et ce ne sera pas par mauvaise volonté.

    Tous les enfants n'évoluent pas tous au même rythme. Il faut véritablement tenir compte de ce que chacun peut comprendre ou non


  • Ibb : Prendre l’enfant à son propre jeu » peut-il constituer une méthode pour retrouver le calme et la sérénité ?

    B.B.-M : Il faut être prudent car cela n’est pas forcément vécu comme un jeu par l’enfant. Or, il ne serait pas bien de se jouer de lui. Lui faire croire qu’on lui cède alors qu’on ne lui cède pas serait totalement contre-productif. Mais, si l’enfant a compris que les parents jouent AVEC lui et que tous partagent ainsi un réel plaisir, cela peut contribuer à l’apaisement de l’enfant.

    Pour résoudre une crise ponctuelle, et à condition de ne pas en abuser, les parents peuvent essayer de détourner l’attention de l’enfant vers une autre préoccupation


  • Ibb : Et si, malgré tout, l’enfant devient « invivable » ?

    B.B.-M : Il faut alors chercher à comprendre ce qui se passe. Quand je rencontre des parents pour ce type de problèmes, il ne s’agit jamais d’une simple crise d’opposition. D’autres facteurs viennent aggraver les conflits entre l’enfant et ses parents. Ils peuvent être liés au caractère de l’enfant, à son histoire, à l’enfance des parents... Dans de tels cas, il est certainement utile d’en parler avec son pédiatre, qui saura si nécessaire diriger les parents vers un pédopsychiatre


  • Ibb : Est-ce que, comme le craint Sylvie -cf les témoignages ci-après- l’opposition peut durer jusqu’à la crise d’adolescence ?

    B.B.-M : Non, la « période du non » est assez limitée dans le temps. Elle se termine généralement autour de trois ans. Il est vrai que « période du non » et crise d’adolescence sont deux étapes au cours desquelles l’enfant se sépare de ses parents et gagne en autonomie. Mais heureusement, les parents bénéficient d’une longue accalmie entre les deux ! Elles subissent le "non" !

    Des jeux autour du non aux conflits incessants, les expériences de ces mamans montrent bien la diversité des manifestations de la "phase d'opposition".

    "Nous la prenons à son propre piège"


  • Ibb : Est-ce que, comme le craint Sylvie -cf les témoignages ci-après- l’opposition peut durer jusqu’à la crise d’adolescence ?

    B.B.-M : Non, la « période du non » est assez limitée dans le temps. Elle se termine généralement autour de trois ans. Il est vrai que « période du non » et crise d’adolescence sont deux étapes au cours desquelles l’enfant se sépare de ses parents et gagne en autonomie. Mais heureusement, les parents bénéficient d’une longue accalmie entre les deux ! Elles subissent le "non" !

    Des jeux autour du non aux conflits incessants, les expériences de ces mamans montrent bien la diversité des manifestations de la "phase d'opposition".


"Nous la prenons à son propre piège"

  • Ingrid, la maman de Romane, deux ans et demi, donne son petit truc pour répondre au "non" de son bout'chou !

    "Il y a quelques mois que Romane, deux ans et demi, a commencé à prendre systématiquement le contre-pied de ce que nous lui disons, mon compagnon et moi… Pour nous contrarier, par défi ou simplement par jeu. Nous avons finalement décidé de la prendre à son propre piège. Ce qui aurait pu se révéler un véritable calvaire est devenu, grâce à cette « méthode », un jeu qui nous amuse beaucoup tous les trois : tous les soirs, nous lui défendons de prendre son bain, de ranger ses jouets, de manger son repas et nous lui interdisons formellement de nous faire un bisou avant d’aller se coucher… Par esprit de contradiction, elle se fait alors un plaisir de terminer son assiette sans rouspéter, de se laver avec soin et de nous couvrir de câlins. Et elle en redemande ! « Maman, tu dois dire que je ne peux pas te faire un bisou », précise-t-elle de sa petite voix claire.

    Pour le moment, nous savourons notre victoire sur cette petite chipie. Mais pour combien de temps encore… ?! ".


"On prend le bain ? - Non !"

  • Carolyn, la maman de Margot, raconte son expérience...

    "Je suis maman d’une adorable petite Margot de vingt mois… Enfin, pas toujours si mignonne que cela ! Elle est actuellement en pleine période d’opposition. Aux questions du type « on prend le bain ? », « tu viens manger ? » ou « on va se promener ? », la réponse est inévitablement : « Non ! ».

    Au début, cela nous agaçait, mon mari et moi… Jusqu’au jour où nous avons décidé de tourner la chose à notre avantage. Désormais, les propositions commencent par « je suppose que tu ne veux pas… », ce qui la piège la plupart du temps. Heureusement, nous n’avons jamais eu le droit aux crises profondes de non, avec roulement par terre et tapement des pieds… Pourvu que nous en restions à ce niveau supportable et que cela se termine rapidement ! ".


"J'espère que ça ne dure pas jusqu'à l'adolescence !"

  • La petite Camille est en pleine phase d'opposition. Sa mère raconte...

    "Je commence à perdre patience avec ma petite Camille, qui a deux ans et demi. Depuis quinze jours, elle répond « non » à chacune des propositions que nous lui faisons, son père et moi. Camille, si docile, obéissante et ordonnée devient impossible. Elle nous lance toute la journée des « Non et non » déterminés.

    Avec papi et mamie ainsi qu’à la crèche, elle ne donne, en revanche, aucun signe de rébellion. J’ai l’impression de perdre souvent patience, moi qui suis d’un naturel si calme. Je travaille depuis peu à temps partiel et j’apprécie de pouvoir me « reposer » durant mes heures de bureau : l’esprit est occupé à autre chose qu’à des altercations sans fin. Qui peut me dire combien de temps dure la période du non ? Pas jusqu’à l’adolescence, j’espère !".


"Il refuse les contacts avec son papa..."

  • Mary témoigne de la difficulté à gérer au quotidien les refus de son bambin

    "Je suis la maman d’un petit Morgan, âgé de dix-neuf mois, et je trouve la « période du non », qu’il traverse actuellement, un peu dure à gérer. Ce qui me tracasse, c’est moins le fait que Morgan ne veuille pas faire certaines choses, que son refus systématique des contacts avec son papa. Le soir, quand mon mari rentre du travail et qu’il s’avance pour embrasser Morgan, le petit détourne la tête et crie : « Non, non, non. ». En plus d’être très frustrant pour son papa et pour moi, ce type de réactions commence vraiment à m’inquiéter. Je ne comprends vraiment pas ce qui se passe dans sa petite tête d’enfant. 

    Mon mari n’est pas plus sévère que moi… C’est même plutôt le contraire. En fait, mon fils est plus souvent avec moi qu’avec son papa, qui exerce un métier où on ne compte pas ses heures. Refuser la compagnie de son père, c’est peut-être, pour Morgan, une façon d’exprimer son mécontentement sur les « non-présences » de celui-ci alors qu’il aurait besoin de plus d’attention de sa part. Mais je commence à être un peu fatiguée car je dois, de ce fait, m’occuper sans arrêt de Morgan (lui faire prendre son bain, lui donner à manger, le changer, l’habiller, le coucher, l’emmener à la crèche)…".


"Nous avons inventé un jeu autour du non"

  • Déborah a rusé avec son Bébé : elle a transformé le non d'opposition en jeu...

    "Clélia, qui a vingt-huit mois, est une grande spécialiste du « non »… Et depuis un certain temps déjà !

    Les réactions de notre couple varient en fonction de ce sur quoi porte le « non ». Si c’est « - tu veux manger ? – non ! », nous réessayons quelques minutes plus tard. A la troisième fois, il n’y a plus de question. C’est « à table » et le « non » n’a plus droit de cité .

    Le plus comique, c’est quand on lui demande : « tu veux un bisou ? » et qu’elle répond « non ». Elle me le fait régulièrement, notamment les matins, quand je la laisse chez sa nourrice. Je me plie donc à sa volonté : pas de bisou, pas de câlin… Je ne veux pas la perturber cette petite ! Devant la réaction de cette maman indigne, Clélia se précipite vers moi en réclamant son dû. Elle a, bien évidemment, droit à deux gros bisous sur ses petites joues !
    Mais le « non » ne serait-il pas plus facile à prononcer ? Clélia, pour sa part, a maîtrisé le « non » très tôt, alors qu’elle peine encore à dire « oui ». Quand elle veut accepter quelque chose ou exprimer son accord, elle répète le mot de la proposition. Comme je l’entraîne de façon intensive à dire « oui » au lieu de répéter, elle commence tout de même à couiner des petits « hui ».

    Nous continuons cependant, lorsque ma mère, Clélia et moi sommes ensemble, à jouer à un jeu que nous avons inventé autour du « non ». Ma fille attribue des tâches à chaque personne. Ainsi, pas question pour moi de faire un bisou… J’ai droit à un « pas bisou ». Elle s’élance alors vers sa mamie, relève sa frange et dit « mamie bisou », en avançant son petit front. Quand sa mamie essaie de lui lire une histoire, elle se voit opposer un « pas mamie ! ». C’est donc maman qui lit. De même, quand sa mamie essaie de lui dire des choses tendres et que Clélia joue les rebelles, elle rejette en bloc tous les mots affectueux. Cela se traduit par des « non pas t’adore »,

    « Non pas t’aime ».

    Il est vrai que dans le cas de Clélia, les « non » sont plus amusants qu’autre chose, parce que je ne la laisse pas diriger la maison. Elle a, bien entendu, le droit de refuser quelque chose. Mais son refus ne sera pas pour autant suivi d’effets."


Les livres pour redécouvrir le "oui"

Quoi de mieux qu'une petite histoire pour sortir des conflits incessants avec bébé ? Pour guider vos choix, voici une sélection de livres sur la "période du non" destinés aux 2-3 ans.


Classique
Petit Ours Brun dit non, par Danièle Bour, éd. Bayard jeunesse .


Esthétique
Pas ! Par Susie Morgenstern et Theresa Bronn éd. Rouergue


Symbolique
Le Non - Tromboline et Foulbazar par Claude Ponti éd. Ecole des loisirs


Poétique
Le Roi NonNon par Alex Sanders coll. Giboulées, éd. Gallimard jeunesse


Pédagogique
Non ! Par Didier Lévy et Fabrice Turrier coll. Ciboulette, éd. Nathan


Didactique
J’apprends à dire oui par Madeleine Brunelet, coll. Premiers mots de la vie, éd. Fleurus.